Constellations mécaniques

PEYOTL

Dans les rues désertes, conduite en état d’ivresse, le voyageur explosif vient recharger sa vie de-ssence.
Pompiste céleste, la station distille ses couleurs voyantes à la gaîté forcée d’un sourire étudié, où l’éclairage impitoyable fait ressortir la pâleur et les petits défauts de l’épiderme d’une fin de soirée arrosée.
Il est 4h00, il pleut sur sa carcasse et les couleurs de la vie s’estompent sur les rivages de son visage.

OUDJAT

A la fenêtre, la silhouette de l’insomnie, seul équipage de ce vaisseau endormi, cet oiseau de nuit modelé d’acier et de
béton armé arrimé au pied de la station-service. Examiné d’une prunelle sentinelle, vitreuse et lisse, l’obscurité complice livre ses secrets dérobés aux tréfonds des abysses.

BLACK MIRROR

Entre ses doigts jaunis, une cigarette humide. Livide, les yeux mi-clos, il l’envoie valser dans le caniveau. D’un linceul vaporeux, la végétale ambroisie éthylique charrie le vertige, charmant poignard jailli de sa prison de verre, dans un ciel qui vacille.
Addictif anis, la soif naît de ta liqueur mais le buveur complice connait son vainqueur.

CHIMERE PETROLIFERE

Dans la nuit sidérale, huileuse et silencieuse, la station brille de ses néons blancs, froids, sans émotion. Point final du pipeline venant déverser son élixir dans des pistolets verts, noirs et jaune cire, pareil au sang dans l’artère du plus vaste organisme vivant ; l’Humanité perfusé…

FANTASMAGORIA

…et il ne reste plus qu’un soupçon de bienveillance dans l’attirance de la voix féminine de l’automate de la machine à carte où les vapeurs de pétrole qui te montent à la tête, soudain, te donne envie de l’embrasser sur un air d’opérette.

SUPER WASH

Cabriolet, esclave d’acier, conditionné aux programmes de lavages minutés, châssis tout mouillé et frein à main relevé, se faisant de haut en bas tout en gardant une distance de sécurité pour ne pas endommager la peinture écaillée de ta belle cylindrée, je me sens déjà hypnotisé.
Prélavage, lavage, brossage, adjuvé de mousse jusqu’à la transmission, eau chaude et haute pression, jet sur jantes rutilantes, portes, vitres et éléments plastiques, dégoudronnage puis gommage et polissage, il est vrai que je ne suis pas sage au milieu de la nuit, seul, mais assouvi.

VAISSEAU OLYMPIQUE

Plaza mayore de l’effort, arène sous halogènes, stade au cœur de croisades à l’issue pleine de mascarades, ta plastique de 100 sur 130 yards sera toujours parsemée de guimbardes hurlant au ralliement d’un « aux armes » applaudissant des athlètes magnifiés par leur gambettes grassement payées, gonflées de pétrodollards que l’on retrouve en janvier au Paris-Dakar.

BIFURCATION POUR HIER

Sous l’œil des ampoules atomiques, dans ce décor hypnotique, tout est devenu fantomatique lorsque le brasier est venu danser sur ta carcasse mécanique. L’onctuosité de la fusion, en communion avec le béton, t’a soudé à jamais, au goudron mazouté. Toi qui défiais le temps et les distances, tout autour les paysages défilaient et les heures filaient, mais te voilà désormais pétrifié, comme Héphaïsto-Médusé.

TARDIS : Temps A Relativité Dimensionnelle Inter-Spatial

Dans l’obscurité, le son de ta tonalité usée, qui grésille dans le combiné, résonne des larmes et des baisers que tu as abrités dans ton refuge à secrets.
Sémaphore, calice du réconfort, opératrice filaire, à l’heure du mobile et des liaisons satellitaires, de l’électronique et de la fibre optique, te voilà délaissée, prête à rejoindre les musées dans ta robe d’acier fatiguée.
Symbole de l’ère pré-numérique, vestige des chimères consumériques, mon romantisme mystique et alchimique pour ta carcasse métallique vibre à l’intonation de ton LA majeur caractéristique sur les rives de mes souvenirs profondément magnétiques.